L’art de défiscaliser avec le déficit foncier

Article pour le magazine Challenges par Eric Tréguier

Peu connu mais efficace, ce mécanisme permet au contribuable percevant des revenus fonciers, de réduire son impôt sur le revenu.

Combien touche le propriétaire d'un logement mis en location, net de charges, net de taxes et net d'impôts? "Pas grand-chose",répond Jean Perrin, le président de l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi). Avec son syndicat, il a calculé le revenu "net-net-net" que toucherait un contribuable, imposé à 30%, qui percevrait, en plus de ses autres revenus, soit 20.000 euros de loyers brut, soit 20.000 euros de salaires brut, soit 20.000 euros de dividendes brut. Dans le premier cas, il lui reste, à la fin de l'opération, 6.540 euros en poche, dans le deuxième 9.100 euros. Dans le troisième, 10.700 euros! Conclusion: investir dans l'immobilier n'est pas rentable, compte tenu d'une fiscalité globale (taxes locales, prélèvements sociaux et impôts) très supérieure à la moyenne. "Le président de la République a découvert récemment que de très grandes sociétés ne payaient presque pas d'impôts. Moi, je veux lui faire découvrir que de très petits propriétaires paient trop d'impôts!" explique Jean Perrin.

Il ne s'agit pas ici de s'apitoyer sur le sort du "pauvre" propriétaire foncier accablé d'impôts, mais de souligner qu'à défaut de réduire la fiscalité il est possible de réduire le montant des loyers sur lesquels elle s'appliquera. C'est d'autant plus judicieux que l'achat d'un bien immobilier locatif intervient souvent en pleine période d'activité professionnelle de l'investisseur, lorsque ses revenus (et son taux marginal d'imposition) sont par conséquent au plus haut. Ainsi, le contribuable pris en exemple par l'Unpi, s'il est imposé non plus à la tranche marginale à 30%, mais à 41%, ne percevra plus que 5.220 euros (en loyers), 7.670 euros (en salaires) et 10.700 euros (en dividendes) pour les mêmes 20.000 euros supplémentaires...

Un mécanisme miracle

Le principe du déficit foncier, en permettant de réduire les revenus déclarés, réduit justement cette imposition. Son principe est simple, explique Philippe Gury, responsable produits de la société de gestion lyonnaise Avenir Finance: "Il consiste à déduire chaque année l'intégralité de ses dépenses de rénovation de ses revenus fonciers, et, au-delà, à déduire de ses revenus globaux jusqu'à 10.700 euros." Avantage: comme ce dispositif fait partie du régime commun de la fiscalité, il n'est pas considéré comme une niche fiscale. En clair, il peut s'ajouter à l'utilisation d'une ou de plusieurs niches, auxquelles l'Etat a imposé un nouveau plafond, à savoir une réduction d'impôts maximale de 18.000 euros majorée de 4.% du revenu imposable. Le contribuable peut donc combiner un investissement dans une PME, l'emploi d'une femme de ménage pour atteindre le plafond des niches, et y ajouter une opération en déficit foncier, qui effacera sans limite ses revenus fonciers, et en partie ses autres revenus...

Sans condition

Le recours au déficit foncier n'est assorti d'aucune condition particulière. Il faut juste mettre le bien en location et veiller, souligne Stéphane Gianoli, président du spécialiste de la défiscalisation Financière Magellan, "à ce que les travaux soient importants, mais pas trop lourds: ils ne doivent pas s'assimiler à une reconstruction pure et simple". Mais il faut garder à l'esprit, insiste Jean Perrin, "que c'est un processus nécessitant de pouvoir se passer de revenus pendant quelques années". Car ce qui est dépensé en réparations doit bien sortir, à un moment ou à un autre, de la poche. L'opération ne doit se faire que sur un marché locatif dynamique. Inutile d'aller à Rodez, où il y a 2.000 logements vides, à Niort, où les mutuelles ont dégraissé, à Belfort, où la baisse d'activité de Peugeot a vidé 3.500 logements.

Du point de vue purement fiscal, l'opération est efficace: prenons l'exemple d'un investisseur qui a déjà 50.000 euros de revenus fonciers. S'il achète un bien de 200.000 euros et dépense 100.000 euros en travaux, il pourra, la première année, déduire l'intégralité de ces 100.000 euros de ses revenus fonciers. Comme il ne déclare que 50.000 euros de loyers, il économisera 28.250 euros d'impôts: 50.000 × 0,41 (son taux marginal d'imposition) et 50 000 × 0,155 (la CSG sur ses loyers) - à noter que la CSG, aujourd'hui à 13,5%, passera dès juillet prochain à 15,5%. Il pourra ensuite déduire 10.700 euros de ses autres revenus, soit une économie supplémentaire de 4.387 euros (10.700 euros × 0,41). L'année suivante, le reliquat - 39.300 euros s'imputera sur ses loyers de l'année, générant une nouvelle réduction d'impôts de 21.418 euros. Au total, il aura donc économisé plus de 53.050 euros d'impôts.

C'est bien plus qu'une opération d'un même montant, réalisée en utilisant le dispositif Scellier BBC. "Quand la réduction d'impôts Scellier représentait 25% du prix d'achat, les gens n'hésitaient pas. Maintenant qu'elle est tombée à 13%, le déficit foncier retrouve tout son intérêt", confirme Olivier Dacquin, directeur du développement de Banque Patrimoine & Immobilier (BPI). Ce dispositif est plus intéressant qu'une opération similaire en Malraux dont la réduction d'impôts est désormais limitée à 30% d'un montant plafonné à 100.000 euros. En reprenant l'exemple, cela donne une économie d'impôts de "seulement" 30.000 euros, inférieure de 40% à celle d'un déficit foncier!

Deux SCPI "déficit foncier"

Ceux qui ne font pas partie des 2 millions de propriétaires bailleurs déclarant plus de 15.000 euros de revenus fonciers peuvent aussi avoir intérêt à utiliser ce dispositif... même s'ils ne déclarent aucun revenu foncier! En effet, les déficits s'appliquent d'abord aux loyers encaissés, puis - et c'est important aux revenus globaux, dans la limite de 10.700 euros. Pour ces contribuables sans revenus fonciers, deux opérateurs ont lancé des SCPI "déficit foncier": Renovalys 2 (Avenir Finance) et Urban Pierre (Urban Premium)."Les souscripteurs pourront reporter jusqu'à 10.700 euros par an de déficit foncier directement sur leurs revenus globaux, et bénéficier d'une réduction d'impôts équivalente à leur taux marginal d'imposition", précise Philippe Gury. Pour un investissement de 25.000 euros, cela correspond, en net, à générer un déficit de 9.245 euros, qui permet d'effacer 3.790 euros. Avec, au final, une belle - et incontestable - réduction d'impôts accompagnée de la propriété d'un patrimoine, dans un bel immeuble de centre-ville, rapportant autour de 3% de rendement annuel.